Interviews

Claudie HAIGNERE

ministre délégué à la recherche et aux nouvelles technologies

Une ministre dans l’espace… numérique.
Claudie Haigneré et Thierry Bouchard, directeur de la rédaction Internet Libéral, avril 2003.

Je suis heureuse de m’exprimer dans votre revue l’Internet Libéral à l’occasion de la Semaine Européenne des Technologies de l’Information, placé sous mon patronage, et qui se déroule du 1er au 3 avril 2003.

Q : Madame la Ministre, vous êtes en charge des nouvelles technologies et marraine de la Fête de l’Internet qui vient de s’achever. Pouvez-vous nous indiquer ce que vous en retirez ?

Sur le thème ” Pourquoi pas nous ! “, avec un point d’exclamation, nous avons voulu attirer ceux qui n’ont pas accès à Internet, ceux qui n’en ont pas le réflexe.

Au cours de cette Fête, un coup d’accélérateur est donné cette année à l’opération ” Internéthon ” de l’AFNET, permettant de recycler, vers des associations éducatives et d’insertion, des ordinateurs non utilisés dans les administrations et les entreprises; cette opération dépasse le temps de la fête de l’Internet.

Nous avons monté à la Cité des Sciences et de l’Industrie un ” e-Village ” et j’y ai participé à un ” cyber-colloque ” avec le Cantal et la Haute-Saône, destiné à montrer comment l’Internet satellitaire peut contribuer au désenclavement numérique des territoires.

Enfin, la fête de l’Internet, ce sont 1200 opérations montées dans nos régions, sur la semaine ou le week-end, par des associations, souvent bénévoles, avec l’appui de collectivités locales, d’entreprises !

Et notre action continue, évidemment bien au-delà de la Fête de l’Internet.

 

Q : Huit mois se sont écoulés depuis la présentation du plan de l’action gouvernementale RESO 2007. Est-ce trop tôt pour faire un premier état des lieux ?

La politique des nouvelles technologies de l’information et de la communication, que j’ai l’honneur de coordonner au sein du Gouvernement, comporte trois axes complémentaires :

– Une action sur l’offre, pour reprendre l’expression de J.P. Raffarin dans le plan RE/SO 2007, c’est à dire sur l’équipement et l’accès Internet.

– Une action législative, qui consiste principalement en la transposition de directives européennes existantes.

– Une action de pédagogie et d’incitation vis-à-vis de l’ensemble de nos concitoyens, consistant à promouvoir les usages de l’Internet pour tous.

Concernant le premier point, l’équipement et l’accès Internet, le chantier a énormément bougé dans les huit derniers mois : baisse des tarifs ADSL à 30 euros/mois, libéralisation totale du Wi-Fi, suppression de la taxe par antenne sur l’Internet satellitaire, fonds de soutien de 8 millions d’euros décidés par le Comité interministériel d’aménagement du territoire (CIADT) pour les technologies alternatives, possibilité pour les collectivités locales d’être opérateurs de télécommunications, mobilisation des crédits FEDER sur ces projets de réseaux des collectivités locales.

Le paysage s’est transformé, nous devons continuer l’action pour expliquer et faire connaître nos décisions auprès des acteurs concernés.

Nous devons aussi poursuivre la libéralisation sur certains points : je cite les CPL (Courants Porteurs en Ligne) qui permettent, à partir d’un point d’accès Internet dans un bâtiment, de répartir l’accès via les câbles électriques existants sans nouveau câblage ; ils sont déjà opérationnels, dans des lycées, des hôpitaux.

 

Q : Et quel programme sur les huit mois à venir jusqu’à fin 2003 ?

Le deuxième point fait l’objet d’un travail législatif en cours (Loi sur la Confiance dans l’Economie numérique) ou en préparation (Transposition de la directive ” Droits d’auteurs et droits voisins dans la Société de l’Information ” ; transposition des quatre directives ” Paquets Télécoms “). Je n’y reviendrai pas ici.

Le troisième point, à savoir la promotion des usages de l’Internet pour tous, sera l’axe principal de notre action sur l’année ; c’est une action de pédagogie et d’incitation qui me paraît indispensable vis-à-vis de nos concitoyens pour une appropriation des nouvelles technologies.

La Fête de l’Internet nous a d’ailleurs donné l’occasion d’illustrer certains des usages de l’Internet.

Mais au-delà de cette semaine de l’Internet qui permet de lancer l’action, c’est une action sur la demande- pour reprendre les termes du plan RESO 2007- que je vais mener tout au long de l’année.

Nous comptons réunir prochainement un Comité Interministériel pour la Société de l’Information où plusieurs mesures en faveur de l’appropriation par le grand public seront annoncées : soutien à des associations nationales de diffusion des usages, déclinaison suivant un certain nombre de thèmes, Internet et Famille, Internet outil d’insertion sociale.

Dans ce chantier grand public, je retrouve des points communs avec la thématique ” science et société ” que je porte : comment donner à nos concitoyens confiance dans la science, dans les technologies ?

Les applications dans le domaine de la santé montrent à nos concitoyens le rôle parfois vital des nouvelles technologies et d’Internet : la télémédecine, la technologie au service du handicap seront des axes importants de la ligne budgétaire ” usages ” que j’ai annoncée en janvier.

Je sais que parmi vos lecteurs professions libérales, il y a de nombreux médecins, souvent utilisateurs de nouvelles technologies, et ils sont conscients de ces problématiques liées à la santé.

Q : A ce propos, comment voyez-vous l’implication des professions libérales dans les nouvelles technologies ?

Je crois que le milieu des professions libérales est déjà grand utilisateur de nouvelles technologies et potentiellement beaucoup plus grand encore, compte tenu du gisement qu’il représente.

Les personnes qui exercent une profession libérale sont souvent pressées par le temps, elles savent ce que représente le temps dans leurs revenus. Les nouvelles technologies leur permettent un gain de temps, que ce soit par l’Internet, que ce soit les assistants personnels, le téléphone mobile.

On pense spontanément à des avocats, qui ont besoin d’aller consulter dans des bases de données distantes des points juridiques essentiels. On pense- de nouveau, mais c’est le médecin qui parle- au médecin avec le RSS, ou avec ses rendez-vous sur son agenda personnel, ou au réseau de télémédecine qui le relie pour certaines consultations à heure fixe avec le CHU local sur des cas difficiles.

Les professions libérales sont aussi des vecteurs des nouvelles technologies dans la population, puisqu’ils sont bien souvent en contact plus que d’autres professions avec nos concitoyens : ils participent par l’exemple à cette œuvre de pédagogie que je mentionnais.

Mais l’ensemble du secteur des professions libérales reste un gisement important, et est concerné comme tous par une appropriation des nouvelles technologies. Votre journal, et votre association, y contribuent par l’écho qu’ils donnent à leur usage.

Edouard de LAMAZE

ancien délégué interministériel aux professions libérales

Edouard de Lamaze et Thierry Bouchard, directeur de la rédaction Internet Libéral, avril 2003.

Vous avez récemment publié un recueil de propos “Cinq années au service des professions libérales” (1) et consacré un chapitre à la nécessité de “préparer les libéraux à la concurrence internationale”.

Vous évoquez internet…

Les nouvelles technologies constituent effectivement une base de développement. Elles modifient le comportement des professionnels, en créant de nouveaux liens et une interactivité entre le professionnel et son client ainsi d’ailleurs qu’entre professionnels. A l’époque, le client se rendait au cabinet de son conseil en ignorant tout. Désormais, les nouvelles technologies permettent aux clients de converser avec les professionnels. Cela change toute la perspective. C’est une évidence en médecine. Grâce à l’Internet, le patient s’est déjà longuement informé sur son problème, et gagne du temps en consultation. Il peut se limiter à des questions spécifiques, un diagnostic particulier. La démarche est bien différente.

La concurrence passe par l’internet ?

Oui, il faut les armer, mais aussi les pousser à s’ouvrir, sans engendrer de chapelles, encore moins de résistances ou de forteresses. J’imagine que certains sont par trop éloignées des réalités quotidiennes. Nous devons conserver la tête froide, et ne jamais perdre de vue le professionnel qui revendique, au quotidien, certaines mesures spécifiques d’aide à la création d’entreprise, à la collaboration ou autres. Mais ces professionnels doivent réaliser qu’ils profiteront aussi de ces grandes idées. La certification, ainsi que la recherche de qualité sont des exigences croissantes de leurs clients.

Les professionnels libéraux sont des chefs d’entreprise, comme les autres. Internet touche l’ensemble de l’économie.

La révolution mondiale dans la communication que constitue internet n’a pas épargné l’ensemble de professions libérales. Après le fax, l’e-mail est devenu l’un des éléments principaux des échanges. Sa rapidité mais aussi ses possibilités de reproduction à distance, sans limite, en ont fait un instrument de commerce inégalable. Encore faut-il que des règles soient établies pour éviter les fraudes et assurer la sécurité des transactions.

Le courrier électronique est en effet la première fonctionnalité de l’internet utilisée par les libéraux…

Si la correspondance par messagerie électronique est utilisable et utilisée dans tous les domaines, les règles sont différentes lorsque les professionnels sont astreints à un secret professionnel absolu ou relatif. Il est évident que la correspondance entre médecins, au sujet d’un malade, doit être protégée comme doit l’être celle de l’avocat et de son client, mais à un degré moindre celle de l’architecte ou du conseil-paysagiste !

Certaines professions libérales sont réglementées, d’autres non. La capacité à utiliser internet sera donc différente. Qui doit suivre cela ? Prenez en exemple les avocats…

Ce sont les professions, et principalement les professions organisées, qui doivent mettre au point les règles d’utilisation de la messagerie électronique entre les professionnels et celle destinée à leurs clients ou provenant de ceux-ci.

Plus particulièrement, les avocats doivent s’assurer de la sécurité des échanges qu’ils peuvent avoir avec leurs clients mais aussi avec les juridictions. Il est évident que les Juges ne peuvent envisager de recevoir des informations électroniques ou des textes dont ils ne pourraient s’assurer de l’authenticité de leur auteur. C’est, dans ce domaine, en particulier, que doit être définie la “signature électronique” authentifiée par un tiers certificateur qui donne foi, en même temps, à l’intégrité du document transmis et à la personnalité de l’auteur.

Il y a bien une différence entre les différentes professions libérales. Il y a également une disparité entre les cabinets d’avocats, non ?

Tous les cabinets internationaux, tous les cabinets structurés disposent de la correspondance électronique comme on utilisait hier le fax ou naguère le téléphone ou le télex. Mais l’équipement informatique des cabinets et, en particulier, des cabinets d’avocats exerçant individuellement, n’est pas suffisant pour que tous les profesionnels du droit puissent utiliser vraiment ce moyen technologique nouveau de communication. Il en résulte une certaine disparité dans l’exercice des professions.

L’Observatoire présente quelques recommandations concernant le financement des équipements obligatoires en particulier pour ceux concernant la sécurité… Il y a bien un frein déontologique, économique et technique occasionné par le courrier électronique. L’autre usage concerne la recherche d’informations en ligne.

L’absence d’utilisation du courrier électronique n’est pas le seul handicap supporté par les cabinets sous-équipés. En effet, pour tous les professionnels libéraux, le “Net” est devenu, sans contestation, un outil de documentation indispensable. Les accès aux banques de données, dans tous les domaines, permettent une approche immédiate de la documentation la plus récente, la plus complète.

Effectivement… et à nouveau nous sommes confrontés à la nécessité d’adapter la “technique” à la “déontologie”. Notre Rapport met en évidence ce problème d’inadaptation.

Les avantages techniques ne vont pas sans une exigence éthique pour tous les professionnels et, en outre, déontologique dans toutes les professions exigeant des règles particulières.

Si des tiers certificateurs peuvent apporter la garantie de l’intégrité du document et de son origine, il faut concevoir en matière de documentation un partage de la connaissance et du savoir qui doit permettre de donner, à tous, les mêmes chances de réussite.

Ces éléments complémentaires doivent guider la réflexion des autorités professionnelles dans leur étude sur le développement d’un tel outil dans chaque exercice professionnel.

Et pour les avocats ?

Les avocats, quant à eux, doivent faire face à toutes ces préoccupations. Les Ordres doivent s’assurer le partage de la connaissance entre tous par un accès facilité à des banques de données indépendantes. Ils doivent assurer la sécurité des correspondances entre avocats et entre les avocats et leurs clients. Ils doivent également devenir les tiers certificateurs sans lesquels il ne peut y avoir de transfert entre les avocats et les juridictions.

Vous venez d’évoquer la notion d’indépendance et de certification ainsi que le rôle des Ordres. Dans son Rapport, l’Observatoire regrette la situation décevante, le manque de communication et de connaissance des véritables besoins des usagers. Il est également reproché les ambitions des associations professionnelles et des entreprises souhaitant être prédominantes dans ce marché de prescripteurs. Les professionnels libéraux n’utilisent pas encore internet comme ils le devraient, comme ils le souhaiteraient.

Quelles seraient votre recommandation et votre conclusion ?

Il appartient à ceux qui briguent les suffrages de leurs pairs de se préoccuper de l’ensemble des problèmes que pose le “Net” dans chacune des professions pour que les uns et les autres puissent bénéficier de ces nouvelles technologies sans lesquelles un professionnel libéral ne pourra plus demain survivre.

Renaud DUTREIL

secrétaire d’Etat aux PME, au commerce, à l’artisanat, à la consommation et aux professions libérales

Thierry Bouchard, directeur de la rédaction Internet Libéral, avril 2003,
Me Lionel Revello, vice-président à l’action européenne de l’Observatoire API-PL,
et Renaud Dutreil.

Le secrétariat d’Etat que m’a confié Jean-Pierre RAFFARIN porte dans son nouvel intitulé même l’intérêt du gouvernement pour les Petites et Moyennes Entreprises et les Professions libérales.

D’une manière pratique et concrète, les professionnels libéraux disposent des environnements légaux, déontologiques et techniques leur permettant d’exercer leur rôle de conseil auprès des entreprises. Il appartient à chacun d’eux de se conformer aux règles et usages de leur profession. La sécurité est au cœur même de leurs relations : échange de courriers électroniques, certification, protection contre les attaques…

Des organismes tels que la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, le Forum des droits sur l’internet, l’Observatoire API-PL et même l’Agence Pour la Création d’Entreprises contribuent à informer les professions libérales, les dirigeants des entreprises et leurs créateurs.

Si l’on a pu observer un essoufflement de l’économie dite “nouvelle”, il n’en demeure pas moins que l’internet permet de traiter au mieux les informations lors de leur recherche et de leur transmission, et ce quelle que soit la taille de l’entreprise et quel que ce soit son secteur d’activité.

L’innovation dans les entreprises est une affaire de technologie et de volonté.

Michel ROCARD

ancien Premier ministre, président Afrique Initiatives

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